Stijn Van Reusel
Réforme du régime fiscal des droits d’auteur : ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain a toujours été notre discours
juin 5, 2023

Fin de l’année passée, le gouvernement fédéral a approuvé la réforme de la fiscalité des droits d’auteur. Cette réforme prendra effet à partir de l’exercice d’imposition 2024 et confirme que les droits d’auteur que vous recevez par notre intermédiaire restent entièrement soumis au régime (favorable) actuel. Aussi, cette réforme a pour but de limiter l’utilisation abusive du système. Stijn Van Reusel - Head of Finance & Business Controlling à la Sabam - décrypte le nouveau système, détaille le rôle de la Sabam dans les négociations et donne des astuces concrètes pour rentrer votre déclaration fiscale.

 

La proposition de réforme fiscale du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, a été acceptée en séance plénière. De quoi s’agit-il ? Et pourquoi cette réforme était-elle nécessaire ?

La législation fiscale est devenue extrêmement complexe en Belgique. Plusieurs exceptions et régimes favorables s’appliquent. Les perceptions sont réalisées par différentes instances. Les compétences sont réparties entre les niveaux fédéral, régional et local. En conséquence, la fiscalité est devenue un véritable enchevêtrement où le taux d’imposition est très élevé par rapport à nos pays voisins. Pour remédier à cette situation, une réforme fiscale a été incluse dans l’accord de coalition actuel.

En quoi les droits de nos auteur·es sont-ils concernés par cette situation ?

L’administration fiscale a constaté ces dernières années que l’utilisation des droits d’auteur comme forme de rémunération se développait énormément. Aujourd’hui, ces droits sont taxés à un taux de 15 ou 30 %, ce qui est sensiblement inférieur aux revenus d’activités professionnelles. Les statistiques ne mentent pas : les revenus déclarés à titre de droits d’auteur ont triplé entre 2013 et 2018. En outre, de plus en plus de secteurs ont recours à cette forme de rémunération. Ces secteurs - contrairement à nos auteur·es - n’appartiennent pas au groupe cible pour lequel le régime (favorable) a été initialement prévu et est extrêmement important. Ces deux facteurs font de la réforme fiscale des droits d’auteur l’un des premiers fers de lance de la réforme fiscale.

Quel rôle a joué la Sabam dans cette réforme ?

Lorsque les premiers contours de la réforme fiscale ont été rendus publics en 2021 et que l’utilisation des droits d’auteur comme forme de rémunération a été mise en évidence, nous avons immédiatement contacté le cabinet du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem. Dès le départ, nous avons indiqué que la réglementation fiscale actuelle pour nos auteur·es était logique et parfaitement défendable. Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain a donc toujours été notre plaidoyer.

Au printemps 2022, un groupe de travail a été mis en place pour tester la réforme fiscale en pratique. Ce groupe comprenait non seulement des collaborateur·rices des cabinets des ministres Van Peteghem, Vandenbroucke, Dermagne et Clarinval, mais aussi des acteurs et des experts du terrain, dont la Sabam. Pendant trois mois, nous avons abordé la réforme sous différents angles pour arriver au final à un cadre général.

Dès le départ, nous avons indiqué que la réglementation fiscale actuelle pour nos auteur·es était logique et parfaitement défendable. Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain a donc toujours été notre plaidoyer.

Mais les chemins politiques se sont parfois révélés insondables. Lorsque nous avons reçu les premiers textes de la proposition de réforme, il s’est avéré que le projet de loi allait être finalement préjudiciable à nos auteur·es. Avec les autres sociétés de gestion, nous avons immédiatement tiré la sonnette d’alarme. Avec succès, d’ailleurs. Grâce à notre action, de nombreux acquis historiques et nécessaires ont finalement été préservés.

Quelle était la situation auparavant ? Et qu’est-ce qui change concrètement pour nos membres ?

Pour les droits d’auteur et les droits voisins que nos auteur·es reçoivent par l’intermédiaire de sociétés de gestion telles que la Sabam, peu de choses changent. Ils sont toujours considérés fiscalement comme des revenus mobiliers et imposés selon le système actuel. Les montants que nous octroyons à nos membres continueront à être mentionnés sur la fiche fiscale. Le système des frais réels ou forfaitaires sera par ailleurs maintenu. Enfin, nous restons dans l’obligation de retenir le précompte mobilier à la source pour le fisc.

La réforme vise notamment à rationaliser les revenus professionnels, qui sont entièrement ou partiellement rémunérés sous forme de droits d'auteur. Par exemple, il était courant dans un secteur qu’une prestation artistique professionnelle soit rémunérée à 50 % sous forme de droits d’auteur et à 50 % sous forme de revenus professionnels, alors que dans d’autres secteurs, des pourcentages totalement différents étaient utilisés, tels que 70 % – 30 % ou vice versa. En outre, cette répartition pouvait également varier considérablement d’une région à l’autre du pays. C’est là que réside le plus grand changement de la réforme.

La réforme vise notamment à rationaliser les revenus professionnels, qui sont entièrement ou partiellement rémunérés sous forme de droits d'auteur.

Pour les revenus professionnels, le législateur travaille donc à l’avenir avec un seuil relatif selon lequel, par mission à des fins professionnelles, un maximum de 30 % de rémunération peut encore être payé en droits d’auteur. De plus, un plafond absolu de 70.220 € (= montant indexé pour l’exercice d’imposition 2024) est également d’application, en vertu duquel les revenus professionnels mobiliers sont imposés au taux favorable de 15 %. Enfin, le législateur prévoit une moyenne de quatre ans. Vous percevez des droits d’auteur et des droits voisins provenant d’activités professionnelles exercées au cours des quatre derniers exercices d’imposition et dont la moyenne dépasse le montant maximum de 70.220 € ? Dans ce cas, vous ne pourrez pas bénéficier du régime favorable pour l’exercice d’imposition suivant, mais vous serez imposé·e sur le montant total de cet exercice aux taux progressifs applicables aux revenus professionnels.

Quels sont les écueils potentiels de cette réforme pour nos auteur·es ?

Le plus grand risque est que tous les droits d’auteur et droits voisins soient indifféremment qualifiés de revenus professionnels par l’administration fiscale dès lors qu’ils dépassent le seuil de 70.220 €. Que nos membres les perçoivent par l’intermédiaire de sociétés de gestion ou qu’ils ou elles les perçoivent en tant que revenus professionnels, ils et elles seraient alors injustement taxé·es à un taux progressif. Et ce n’est évidemment pas l’objectif de cette réforme. Je conseille donc à nos membres d’être très attentif·ves à cette question et, en cas de doute, de s’adresser à un conseiller spécialisé.

Fin avril, nos auteur·es recevront leur fiche fiscale pour leur déclaration fiscale. À quoi leur recommandez-vous de faire attention ?

Je tiens tout d’abord à souligner que la réforme ne concerne pas la déclaration d’impôt de cette année (= exercice d’imposition 2023). Elle ne prend effet qu’à partir de l’exercice d’imposition 2024 (= revenus 2023). Pour la deuxième année consécutive, l’administration fiscale ne demandera plus d’indiquer les frais réels ou fixes sur la fiche fiscale (281.45). Par conséquent, ce montant n’est plus automatiquement repris dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques. Il est donc très important d’inscrire soi-même ces frais réels ou forfaitaires dans la déclaration afin d’éviter une double imposition.

Pour conclure, pouvez-vous donner à nos membres quelques conseils concrets pour remplir leur déclaration fiscale ?

Avec plaisir ! Tout d’abord, je vous recommande de bien inscrire vos frais réels ou forfaitaires dans votre déclaration d’impôt.

Vous ne savez pas ce qui est le plus avantageux pour vous à indiquer dans votre déclaration ? Mon deuxième conseil est alors d’utiliser notre simulateur Excel. Très pratique, il vous permet de calculer facilement s’il est plus avantageux pour vous de mentionner vos frais réels ou vos frais fixes dans votre déclaration. Vous trouverez ce simulateur avec les fiches fiscales dans votre compte MySabam.

Enfin, vos droits d’auteur au-delà d’un montant de 64.070 € (= montant indexé pour l’exercice d’imposition 2023) sont taxés à 30 % au lieu de 15 %. Le fisc ne peut vous imposer au taux progressif des revenus professionnels que s’il peut prouver que vous utilisez ces droits d’auteur à des fins professionnelles. Le franchissement de ce seuil n’est pas suffisant. C’est ce qu’ont déjà confirmé plusieurs tribunaux.
 

share

Vous n'avez pas trouvé réponse à votre question ?

Nous nous ferons un plaisir de vous aider.

 

Contactez-nous